Existe-t-il un droit au sport pour les personnes en situation de handicap? Une jeune juriste toulonnaise, Lydie Cohen, s’est penchée sur cette question dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’université de Limoges (1) brillamment soutenue en décembre dernier au terme de cinq années de recherches.
Responsable du pôle droit du sport du cabinet d’avocats LLC & associés au bureau de Toulon et vice-présidente du Comité départemental olympique et sportif du Var (CDOS 83), Lydie Cohen a fait ses premières armes en tant que juriste au pôle ressource national Sport et handicap du Ministère du sport à Paris.
Elle était régulièrement interpellée par des personnes en situation de handicap sur leurs difficultés à pratiquer, les discriminations dont elles sont victimes, liées à l’inaccessibilité des équipements, au refus d’accueillir de la part de certains clubs ou au manque d’offre sportive.
Un droit diffus, une mise en œuvre limitée des textes
“Le sujet m’a touchée et je me suis interrogée sur l’idée d’un droit au sport, encore assez diffus en droit français, même s’il est reconnu dans la Convention de l’ONU relative au droit des personnes handicapées”, explique-t-elle.
Sa thèse interroge donc cette idée de droit au sport dans l’ordre juridique public (international, communautaire et national) et dans l’ordre juridique sportif (règlements des fédérations, jugements du tribunal arbitral du sport), avec l’idée “de participer à une reconnaissance d’un droit au sport général, pour tous, et plus spécifiquement pour les personnes en situation de handicap.”
Son travail a d’abord consisté à décortiquer les textes existants déjà dans les deux ordres juridiques, puis dans un deuxième temps, elle s’est penchée sur leur mise en œuvre.
“Je voyais les limites dans le cadre de mes fonctions. Ces textes ont du mal à être appliqués, il y a beaucoup de limites à la pratique sportive des personnes handicapées alors que tout devrait pouvoir être adapté au handicap, c’est-à-dire aux obstacles qu’une personne rencontre dans ses interactions avec son environnement, constate-t-elle. Bien sûr il y a des limites, mais tout est envisageable si on trouve les bons leviers, les bons dispositifs d’aménagement.”
C’est la troisième partie de son travail récompensé par le jury de thèse: proposer des remèdes, des solutions.
À l’intersection de droits fondamentaux, dont la santé
Lydie Cohen plaide pour la reconnaissance d’un droit au sport au niveau constitutionnel. “Le sport est à l’intersection de plusieurs droits fondamentaux dont la santé. Priver quelqu’un de sport peut mettre en jeu ses droits fondamentaux.”
Elle milite aussi pour que chaque texte rédigé soit pédagogique en matière d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. “D’une manière générale, on ne doit plus se contenter de formule du type “rendre accessible”. Il faut être clair sur les modalités d’accessibilité sociale, culturelle, sportive… pour une meilleure compréhension du sujet.”
C’est possible: elle cite les exemples de plusieurs fédérations (comme le handi-surf) qui rendent accessible la pratique à tous les types de handicap (physique, visuel, auditif, mental ou psychique).
Elle est enfin favorable à “une mixité des pratiques, des événements et même des institutions. Est-il normal, interroge-t-elle, d’avoir d’un côté un comité olympique et de l’autre un comité paralympique? Bien sûr que cela offre une plus grande visibilité aux sportifs en situation de handicap. Mais c’est aussi discriminant.”
1- Au sein du Centre de Droit et d’Économie du Sport de Limoges, sous la direction des Professeurs Charles Dudognon et de Jean-Pierre Karaquillo.
Pour avancer
Le CDOS dont Lydie Cohen est vice-présidente développe des projets, par exemple en partenariat avec le RCT et la Caisse d’allocations familiales, pour développer la formation des futurs encadrants sur l’accueil des publics en situation de handicap.