Réforme des retraites : pourquoi la Bretagne est la région qui se mobilise le plus ? – Bretagne



« Manu t’es foutu, Ouessant est dans la rue ». Jeudi 16 février, plus d’un habitant sur dix a manifesté à Ouessant (29) contre le projet de réforme des retraites. Sur l’île, 120 personnes défilaient pour une population de seulement 846 habitants, soit 14 % de la population. C’est sept fois plus que la moyenne nationale qui tourne autour des 2 % de taux de mobilisation, selon les chiffres compilés par le Figaro. Dans le Finistère, 4,4 % des habitants ont manifesté contre le projet de loi du gouvernement depuis le début du mouvement. C’est le taux de mobilisation d’un département le plus élevé en France. Le Morbihan, les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine ne sont pas en reste et figurent également parmi les départements qui ont mobilisé le plus de monde, proportionnellement à leur population. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène.

Historiquement, les Bretons n’aiment pas l’injustice

« Quand il y a un sentiment d’injustice, les Bretons se sont toujours levés », raconte Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et auteur de l’ouvrage « Organisation territoriale et démocratie locale en Europe ». Pour le politologue, le phénomène n’est « pas surprenant », au vu de l’histoire politique contestataire bretonne. Le chercheur explique que le phénomène s’ancre dans une tradition politique locale : « Les Bretons ont manifesté contre l’injustice d’accès à certains marchés dans les années 60, les paysans bretons se sont plusieurs fois levés contre l’injustice des prix. Ou encore, au début des années 80, on se rappelle des grandes manifestations contre la Loi Savary de réforme de l’Éducation nationale. »

La Bretagne « centre gauche » mobilisée

Les importantes mobilisations, ces dernières semaines, témoignent aussi d’une réalité politique. Pour Romain Pasquier, « dans les années 70, la région bascule vers le syndicalisme de la deuxième gauche, celui de la CFDT ». Aujourd’hui plutôt placée au centre gauche de l’échiquier, une grande partie des Bretons s’est retrouvée dans la ligne politique des syndicats qui ont appelé à la mobilisation. Aux dernières élections législatives, les Bretons ont voté majoritairement pour le parti présidentiel et pour la Nupes (Nouvelle union populaire écologique et sociale). Traduisant cette sensibilité de centre gauche historiquement attribuée à la région.

« La situation économique des foyers bretons rend la mobilisation plus forte qu’ailleurs »

L’organisation socio-économique de la région est également un facteur intéressant pour expliquer que les habitants soient autant sortis dans la rue. En Bretagne, le salaire moyen est légèrement plus faible qu’à l’échelle nationale. En 2019, le revenu salarial annuel moyen de la région s’élevait à 20 620 euros contre 21 790 euros en France, selon l’Insee. « Les Bretons ont des revenus plutôt moyens et plus faibles. La situation économique des foyers bretons rend la mobilisation plus forte qu’ailleurs », confirme le politologue. On retrouve, d’ailleurs, les plus forts taux de mobilisation dans les départements français où les revenus médians sont les plus faibles. C’est le cas pour la Creuse ou l’Indre. Reste ce qui peut apparaître comme un paradoxe. La Bretagne s’est levée contre le projet de loi du gouvernement. Pourtant, elle a voté massivement pour Emmanuel Macron en 2022 alors que la réforme des retraites figurait déjà dans son programme.

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