Zanele Muholi jette la lumière sur les marges de la société sud-africaine

Pour Zanele Muholi, son histoire est avant tout collective : « Ce n’est pas moi qui compte. Je ne suis qu’un messager. » Depuis vingt ans, « l’activiste visuel » originaire d’Afrique du Sud, qui se définit comme non binaire, s’est donné pour mission de montrer la communauté noire LGBTQIA+, et ce faisant s’est taillé une place de choix dans l’art contemporain. Ses images fortes ne sont que l’une des faces de son militantisme – en Afrique du Sud, l’artiste a créé une association d’entraide à destination des lesbiennes et un média pour diffuser les images de sa communauté. « Je ne veux pas qu’il y ait une séparation entre mes différentes réalités, indique Zanele Muholi. Et je ne dirige pas les personnes que je photographie. Car je suis l’une d’elles. »

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En deux cents photographies, plus des peintures, vidéos et documents pédagogiques, l’exposition balaye toute son œuvre, commencée par des images documentaires, sur la vie de souffrance de la communauté LGBT en Afrique du Sud. Il faut lire les textes pour prendre la mesure de ce à quoi s’exposent les personnes qui s’écartent de la norme dans un pays où l’homosexualité est encore souvent perçue comme un héritage colonial. La série Only Half the Picture montre, avec pudeur, des victimes de viols « correctifs », infligés aux lesbiennes pour les « guérir » de leur homosexualité.

Concours de beauté queer

Mais les images de Zanele Muholi, qui a appris la photographie au Market Photo Workshop, fondé par le photographe David Goldblatt, savent aussi s’éloigner de l’actualité pour se concentrer sur une quête plus profonde : la création d’une représentation visuelle pour des individus à la marge, loin des radars de la société et des canons de la beauté classique. Zanele Muholi inscrit ainsi sa communauté dans l’histoire et dans l’espace public, en faisant poser ses modèles dans des lieux historiques de l’Afrique du Sud.

La série Brave Beauties met en scène les participants aux concours de beauté queer, dont la pose fière est une revanche à la fois sur les normes esthétiques et sur l’histoire du pays – ces concours ont longtemps exclu les personnes noires. La très belle série Faces and Phases, grande archive visuelle de Zanele Muholi, est une galerie de photos de personnes queer, prises en Afrique du Sud et ailleurs, et couvre une salle entière. L’artiste a choisi des poses graves, dans la tradition du portrait photographique en noir et blanc : « J’utilise un appareil argentique et de la lumière naturelle. Je veux juste des images classiques, hors du temps. Pour dire qu’on a toujours été là. »

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