Réforme des retraites : les 9 enseignements des 20 000 amendements déposés à l’Assemblée – #Dataspot
1 C’est la France insoumise qui a déposé le plus d’amendements
C’est ce que fustige le camp présidentiel, qui dénonce « l’obstruction » des députés de gauche. Il est vrai que sur les 22 900 amendements déposés et jugés recevables, 13 700 l’ont été par la France insoumise. Viennent ensuite le groupe écologiste (3 228) et les socialistes (2 466).
En clair, la Nupes a déposé, à elle seule, 90 % des demandes de modification du projet de loi portant la réforme des retraites. « 20 000 amendements, c’est faire croire qu’on veut le débat et opposer la violence de l’obstruction », s’est agacé Olivier Dussopt, lundi, sur Europe 1. Mais ce flux d’amendements « permet de gérer un peu le tempo, d’accélérer, de ralentir », au lieu de se laisser dicter le rythme, a opposé l’Insoumis François Ruffin, qui veut avec la Nupes pouvoir relayer dans l’hémicycle « la vie des gens », « la France du réel ».
2 Beaucoup d’amendements de la Nupes sont identiques
La majorité présidentielle, comme le RN, dénoncent cette pratique de la Nupes de déposer des amendements par milliers, souvent identiques, pour multiplier le temps de parole. L’analyse de ces amendements montre qu’effectivement, pour un même article, voire pour un même alinéa, plusieurs dizaines d’amendements similaires en tout point sont déposés par les groupes de gauche.
Exemple : un amendement instituant « une contribution exceptionnelle sur le patrimoine des milliardaires, que nous proposons d’affecter au financement du système de retraites » est proposé 202 fois. Autre exemple : un même amendement, « souhaitant augmenter la pénalité financière des entreprises qui ne respectent pas les objectifs de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes », a été proposé 59 fois. Pour preuve de la technique de copier/coller entre les amendements, les fautes d’orthographe persistent également.
3 C’est la Nupes qui demande le plus la suppression des articles du projet de loi, mais…
Si l’on résonne sur le nombre d’amendements déposés, c’est vrai : la Nupes est le groupe politique qui a déposé le plus d’amendements demandant la suppression d’au moins une partie du projet de loi. Mais cela n’est pas surprenant, c’est même mathématique, puisque c’est ce groupe politique qui a déposé le plus d’amendements au total.
En revanche, si l’on résonne en proportion, c’est cette fois le RN qui a déposé le plus « d’amendements de suppression » (d’articles ou d’alinéas). 30 % de ses amendements formulent une telle demande, contre 24 % pour la Nupes.
Plus surprenant, la majorité a déposé 4 % d’amendements demandant la suppression d’une partie du projet de loi. En réalité, ce sont des demandes de suppression technique, pour éviter la création d’effets pervers. Exemple : « Cet amendement propose de supprimer un effet de bord, en permettant aux assurés ayant effectué une carrière longue de faire valoir leurs droits à la retraite une fois leurs 43 annuités atteintes, sans attendre l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite ».
4 Il y a une unanimité des députés sur l’insuffisance de l’index senior
Comme lors du premier passage en commission, les députés sont unanimes sur un point : la situation des seniors n’est pas suffisamment prise en compte dans le projet de loi initial. Preuve de cet assentiment parlementaire, les termes « senior » ou « index senior » ne sont pas l’apanage d’un groupe politique en particulier.
Il est notamment reproché à l’index senior, ce nouvel indicateur qui devrait permettre d’améliorer le taux d’emploi des seniors, de ne pas être suffisamment coercitif. Les Républicains demandent, par exemple, de rabaisser le seuil d’instauration de cet index aux entreprises de 100 salariés (contre 300 initialement), quand la Nupes demande la création de sanctions financières pour les entreprises qui seraient mal notées.
5 La situation des femmes est la préoccupation n°1 des députés
Il y a, là aussi, une forme d’unanimité chez les députés : le sort réservé aux femmes par la réforme des retraites. Et de nombreux amendements en parlent. 17,8 % des amendements du groupe LIOT les concernent, contre 17,6 % de ceux de la Nupes, 13,2 % de ceux de la majorité, 10 % des amendements LR et 6,6 % de ceux du RN.
La droite propose, par exemple, que soit « préservée la prise en compte, pour les femmes, des trimestres supplémentaires accordés en raison de leur maternité pour un départ à la retraite à taux plein ». Le groupe LIOT demande, lui, que soit « fixé un objectif plus ambitieux de réduction des écarts de pension de retraite entre les femmes et les hommes à l’horizon 2035, afin d’accélérer la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes retraités ».
6 Ce sont la majorité et les Républicains qui ont déposé les amendements avec le plus de similarités
L’analyse des mots utilisés dans les amendements montre que la majorité parlementaire et les Républicains sont les deux formations politiques qui ont utilisé le plus de termes en commun dans leur demande de modification de texte.
Selon la corrélation de Pearson, leur coefficient est de 0,9 (plus ce coefficient est proche de 1, plus l’association entre les deux est forte). Rien d’étonnant : les deux formations portent surtout des amendements sur l’emploi des seniors ou les carrières longues. Il y a donc de nombreux termes similaires.
7 Ce sont les oppositions qui s’appuient le plus sur le rapport du COR
Comment légitimer son amendement pour contester une réforme ? En s’appuyant sur les rapports officiels. Et en matière de retraite, c’est le COR, le Conseil d’orientation des retraites, qui fait référence. Chaque année, il publie un rapport sur l’état du système français de retraites. Et c’est bien à l’appui de ses conclusions que les oppositions tentent de donner du crédit à leurs amendements. Dans 27 % des exposés de motif des amendements, la Nupes fait ainsi référence aux résultats du COR. Contre 1,1 % pour les exposés de motif de la majorité.
8 C’est la Nupes qui est la plus obnubilée par le recul de l’âge de départ à la retraite
27 % des exposés de motif des amendements de la Nupes contiennent les mots « 64 ans ». Contre 17,9 % chez le RN ; 8,4 % chez LIOT ; 7,5 % chez LR et 3,8 % chez la majorité. Rien d’étonnant : comme le RN, la Nupes est contre le recul de départ de l’âge à la retraite à 64 ans. C’est d’ailleurs l’article 7, qui consacre ce recul, qui est le plus pilonné par la coalition de gauche.
9 Les groupes politiques ont parfois des revendications singulières…
L’analyse des amendements montre que les députés ont parfois pu déposer des demandes de modification du projet de loi très spécifiques à leur groupe. Ainsi, la Nupes veut instaurer une contribution exceptionnelle prélevée sur le patrimoine des milliardaires, pour l’affecter au financement du système de retraites. Chez LR, un amendement demande « la mise en place d’une procédure de contrôle des personnes établies hors de France bénéficiant d’une pension de vieillesse ou d’une pension de réversion », afin d’éviter « les fraudes ». Côté RN, on demande l’abrogation « de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine », qui serait « ni plus ni moins que le subventionnement de personnes retraitées étrangères qui souhaitent résider, temporairement ou de manière permanente, dans leur pays d’origine ». Enfin, au sein de la majorité, le MoDem demande l’instauration d’une « clause de revoyure » à la fin du quinquennat, « pour dresser un bilan de cette réforme » et « permettre d’adapter le système aux besoins ».
Méthodologie : les amendements jugés irrecevables ne sont pas pris en compte. L’analyse des amendements s’est bornée à celle des exposés des motifs des amendements. Les termes qui avaient moins de 100 occurrences ont été écartés.