La terreur dans l’ombre | Le Journal de Montréal
PHOENIX | À l’aube du Super Bowl 57, tous les yeux sont tournés vers la puissante attaque des Chiefs et vers la défense vorace des Eagles. Même s’il est l’un des joueurs défensifs les plus dominants de la NFL, Chris Jones passe sous le radar et ne s’en plaint pas une minute.
• À lire aussi: Super Bowl: près de 1 M$ en jeu pour Drake
• À lire aussi: En route vers le Super Bowl: Sirianni retrouve celui qui l’a viré
• À lire aussi: Super Bowl LVII: l’entraîneur des Chiefs Andy Reid dans un club sélect
Le plaqueur des Chiefs a l’habitude. À Kansas City, les grandes vedettes sont Patrick Mahomes et Travis Kelce. Il y a aussi eu Tyreek Hill pendant plusieurs saisons avant son départ à Miami.
Au Super Bowl, les frères Kelce occupent beaucoup d’attention, tout comme le fait que Mahomes sera opposé à Jalen Hurts dans un premier duel de quarts-arrières noirs. Il y a l’entraîneur-chef Andy Reid qui affronte son ancienne équipe. Bref, les bonnes histoires ne manquent pas.
Dans ce contexte, les exploits de Chris Jones passent pratiquement sous silence. Ce serait une grossière erreur de penser que le monstre des Chiefs s’offusque de ce manque d’attention.
« À vrai dire, je m’en fous complètement. Je suis ici, au Super Bowl. Ça ne pourrait pas être mieux. On est d’accord ? » a-t-il répondu en souriant au Journal quand on lui a demandé cette semaine s’il souhaiterait davantage de reconnaissance.
Impact majeur
Choix de deuxième tour en 2016, Jones vient de connaître sa meilleure saison, lui qui s’imposait déjà bien avant.
Pas pour rien que son compère Frank Clark, sur la ligne défensive, décrit Jones comme « l’homme le plus impossible à arrêter » de la NFL. Son opposant, le bloqueur des Eagles Lane Johnson, a quant à lui affirmé que Jones était « l’élite de l’élite ».
Ses 15,5 sacs, une production rare à la position de plaqueur, lui ont valu une place sur la première équipe d’étoiles. Enfin, diront ses supporteurs, puisque malgré ses performances enviables au préalable, c’est un honneur qu’il n’avait jamais reçu.
Efficace sous pression
À travers la ligue, aucun joueur évoluant à l’intérieur de la ligne défensive n’a appliqué plus de pression sur le quart-arrière que Jones (77 fois). Pourtant, selon ESPN Analytics, il est doublé sur 69 % des jeux, ce qui est un sommet dans la ligue.
Par-dessus tout, Jones a le don de briller dans les grands moments. En finale de conférence face aux Bengals, il a enregistré deux sacs du quart.
« Plus le match avance, plus j’obtiens des opportunités de réaliser des gros jeux. Les autres équipes ont leur plan. Quand ils me doublent ou qu’ils glissent leur protection vers moi, j’apprends encore à être patient pour réagir lorsqu’il y a une brèche », a-t-il expliqué.
Les fleurs aux eagles
Depuis le début de la semaine à Phoenix, c’est la défense des Eagles qui hérite des accolades.
Avec raison, diront certains, puisque cette unité est diablement efficace.
Les Eagles ont décroché la palme cette saison avec 78 sacs du quart, incluant les matchs éliminatoires. Il est cependant facile d’oublier que les Chiefs sont deuxièmes avec 62. Selon NextGen Stats, ils ont aussi appliqué la pression à 188 reprises, ce qui leur vaut le sixième rang.
Défense sous-estimée
C’est dire à quel point Chris Jones est un joueur clé dans une défense qui n’obtient pas de respect.
« Mon message aux gars en défense, c’est de faire en sorte qu’on ne nous oublie pas. On se fait oublier toutes les semaines parce que notre attaque est dynamique et notre quart-arrière est spectaculaire. On comprend, mais si on fait les gros jeux, on va faire réaliser à tout le monde qu’on fait aussi partie des succès de cette équipe », a-t-il plaidé.
« On sait qu’on nous regarde de haut. C’est bien correct comme ça », a-t-il conclu en s’offrant même un clin d’œil.
Question de s’assurer qu’on ne l’oublie pas demain soir.
UNE CUVÉE SPÉCIALE
Les Chiefs ont sélectionné 10 joueurs au dernier repêchage. Du nombre, neuf ont été sur le terrain lors des derniers matchs éliminatoires. La cuvée de recrues de 2022 est notoire.
À l’attaque, le porteur Isiah Pacheco s’est rapidement imposé comme porteur de ballon partant, même s’il a été un lointain choix de septième tour. Le receveur Skyy Moore est impliqué à l’attaque et sur les retours de dégagement.
C’est toutefois du côté défensif que les Chiefs se sont complètement réinventés. Deux des trois demis de coin qui voient le plus de terrain, Trent McDuffie et Jaylen Watson, sont des recrues.
Il faut ajouter les contributions comme partant de l’ailier défensif George Karlaftis. Le secondeur Leo Chenal, le demi de coin Joshua Williams et le maraudeur Bryan Cook ont aussi été impliqués, tout comme Nazeeh Johnson sur les unités spéciales.
Au sixième rang
Selon Pro Football Focus, les recrues des Chiefs ont disputé le sixième plus haut total de jeux dans la ligue, un fait improbable en considérant qu’il s’agit d’une équipe finaliste au Super Bowl.
« Si on m’avait dit ça avant la saison, j’aurais dit que c’était des attentes exagérées. J’ai toutefois vite compris qu’on formait un groupe mature, qui s’est mis beaucoup de pression pour bien faire », a mentionné le demi de coin McDuffie, choix de première ronde, lorsqu’on l’a abordé sur le sujet.
« Juste dans la tertiaire, nous sommes cinq recrues. Ça a rendu l’apprentissage plus confortable, de savoir qu’on passait tous par les mêmes étapes », a ajouté Jaylen Watson.
Parcours inspirant
L’une des recrues des Chiefs dont le parcours détonne est George Karlaftis. Né à Athènes, il a grandi en Grèce jusqu’à 13 ans. Quand son père est décédé, sa mère américaine a décidé de retourner à ses racines en Indiana.
Il s’illustrait dans plusieurs sports en Grèce, mais c’est au water-polo qu’il laissait vraiment sa marque. Ce n’est pas exactement un plan pour finir au Super Bowl.
« En water-polo, la coordination entre les mains et les yeux est importante comme au football. Tu passes aussi des heures dans l’eau et le fait que j’aie des jambes fortes est attribuable à la pratique de ce sport », nous a-t-il corrigé amicalement.
Saveur internationale
C’est donc dire que le Super Bowl 57 aura un petit cachet international. Face au Grec Karlaftis, s’alignera le bloqueur australien Jordan Mailata.
« Dis-moi que c’est une première ! N’est-ce pas ? Il faut que ce sport commence à s’implanter dans d’autres pays que les États-Unis et le Canada. Il n’y a pas de raison qu’on soit les seuls à y arriver », a lancé celui qui a obtenu six sacs et rabattu sept passes à sa première saison, à 21 ans.
Un Chief… fan des Eagles !
Parlant des recrues des Chiefs, Isiah Pacheco a été productif avec 830 verges au sol cette saison et son style agressif qu’Andy Reid compare au lapin Energizer. Intéressant dans son cas, le porteur de ballon a grandi près de Philadelphie comme fan fini des Eagles. Il a même pu remettre 13 billets pour le Super Bowl à des proches qui devront trahir leurs allégeances pour le soutenir. « Je suis sûr qu’ils choisiront la bonne équipe », a-t-il lancé au Journal dans un grand rire. Je regardais les Eagles et j’admirais coach Reid. Je voulais tellement que les Eagles gagnent quand il les a amenés au Super Bowl. Ça faisait bizarre au début d’arriver à Kansas City et qu’il soit mon entraîneur. »
Noble initiative
L’hôpital pour enfants de Phoenix a fait plaisir à des dizaines de bambins malades dans le cadre des festivités du Super Bowl, cette semaine. Lors de plusieurs activités, les enfants pouvaient se croire sur place. Ils étaient sur des écrans via des robots télécommandés et pouvaient, de leur lit d’hôpital, diriger les robots avec l’aide d’assistants sur place à Phoenix. Plusieurs jeunes, qui provenaient aussi des hôpitaux pour enfants de Philadelphie et Kansas City, ont même pu poser des questions aux joueurs. Que des sourires et bravos sur toute la ligne.
Vivement le match…
Ne reste plus qu’à attendre le match. Depuis notre arrivée dimanche dernier, le centre-ville de Phoenix passe de plus en plus en mode Super Bowl. De nombreuses façades d’édifices se donnent des airs de Times Square pour mettre en valeur le gros match. Depuis jeudi soir, les partisans des Chiefs et des Eagles tendent à envahir la ville. Ils mettront le cap sur Glendale, à une trentaine de minutes de voiture à l’ouest, où sera présenté le duel au State Farm Stadium. Lundi, l’aéroport de Phoenix s’attend à recevoir un nombre record de 180 000 passagers. Ça va jouer du coude…