Réforme des retraites : pourquoi Rennes peut craindre de redevenir « la capitale de la casse » – Occupation de la salle de la Cité à Rennes
La capitale bretonne est une terre militante. Ce particularisme est souvent revendiqué. Après tout, quelle ville peut se targuer d’avoir un particularisme ? Socle d’une communauté, élément d’identité, vecteur d’image… Ce particularisme, pourtant, Rennes préférerait s’en passer, de plus en plus souvent.
« Rennes est-elle condamnée à être le théâtre d’une lutte sociale devenue hors de contrôle ? » Cette question était posée par une enquête du Mensuel de Rennes en juin 2016. C’était aux termes du mouvement contre la loi Travail. Trois mois de manifs, marqués par des violences dont l’intensité et la récurrence avaient fini par supplanter le mouvement social. Une situation qui avait conduit certains médias a ériger Rennes en « capitale de la casse ».
Convergence inédite
La loi Travail ? Mercredi soir, l’occupation de la fameuse salle de la Cité a brutalement rappelé aux souvenirs des Rennais cette séquence qualifiée « d’éprouvante » par la maire de Rennes à l’époque. Un chapitre inédit dans l’histoire d’une ville pourtant habituée à l’âpreté des conflits sociaux : incendie du Parlement de Bretagne, manifs d’agriculteurs, mouvements contre le CPE, la LRU, le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes…
En juin 2016, Rennes venait de subir un phénomène nouveau, deux ans avant les gilets jaunes. À force de s’enkyster, le mouvement contre la loi Travail s’était soldé par la convergence d’un grand nombre de participants au conflit social avec la petite minorité violente d’activistes ultra-radicaux. Les premiers avaient adopté une partie des méthodes des seconds.
Affrontements massifs
Conséquence : des affrontements récurrents et massifs, impliquant jusqu’à plusieurs milliers de personnes. « Le modèle black block a inspiré les émeutiers occasionnels », constatait la sociologue Isabelle Le Sommier. « Au début, les émeutiers étaient principalement des militants. Ensuite, ils ont été rejoints par une fraction de la jeunesse très diversifiée », témoignait aussi Sébastien, un casseur revendiqué. « On est ensemble. On soutient les jeunes qui se battent contre la violence de l’État », assumait aussi un syndicaliste de la CGT lors d’échauffourées en marge d’un blocage de la rocade le 19 mai 2016.
Brutalité du maintien de l’ordre
Le mouvement rennais contre la loi Travail était le fruit d’une dynamique, amplifiée par l’inflexibilité d’ un gouvernement de gauche, la brutalité des tactiques de maintien de l’ordre et les réseaux sociaux. Un conflit marqué aussi par la légitimation par une partie des manifestants d’une violence, qualifiée de « politique », pour tenter de la rendre plus acceptable. Une lutte avec ses « ambiguïtés entretenues » et « ses dénonciations insuffisantes », accusait Nathalie Appéré, la maire de Rennes en pointant le comportement de certains responsables politiques et syndicaux.
Non, non, rien n’a changé
Sept ans plus tard, l’opposition à la réforme des retraites n’a, pour l’instant, rien à voir avec celui de la loi Travail. Encore plus imposants, les cortèges des premières journées de mobilisation n’ont pas donné lieu à des débordements comparables. Pour autant, les ferments qui avaient conduit à l’acmé de 2016 sont toujours là.
Depuis ? On ne peut pas dire que la situation sociale du pays se soit détendue. La violence comme moyen d’expression n’est pas passée de mode. L’influence des réseaux sociaux ne s’est pas tarie. Les techniques maintien de l’ordre ne se sont pas adoucies. Le gouvernement Borne n’a pas l’air plus flexible que celui de Valls. Les « ambiguïtés entretenues » par un certain nombre de responsables n’ont pas disparu. Et la réputation de « Rennes la militante » non plus.
