la justice relance la bataille entre Free et ses concurrents

Cela ne va pas aider à réchauffer les relations notoirement glaciales entre Martin Bouygues et Xavier Niel (actionnaire à titre individuel du Monde), les patrons des deux opérateurs télécoms. Dans un jugement rendu jeudi 9 février, le tribunal de commerce de Paris a condamné Bouygues Telecom à payer 308 millions d’euros de dommages à Free Mobile. En cause : la commercialisation, entre 2014 et 2021, d’offres groupées qui permettaient d’acheter un smartphone à un prix réduit en contrepartie de la souscription d’un abonnement d’une durée de 24 mois.

Y voyant une façon de verrouiller un marché sur lequel il est arrivé en 2012, Free Mobile avait saisi la justice en octobre 2019. L’opérateur avait chiffré son préjudice à 722 millions d’euros. Le tribunal ne l’a pas entièrement suivi sur ce point mais le jugement relève que « les offres de Bouygues Telecom avaient pour objectif de lui conférer un avantage concurrentiel dans des conditions de concurrence déloyale ». Evoquant « un combat mené avec constance », Free Mobile se félicite du jugement du tribunal de commerce estimant que celui-ci apportera plus de transparence.

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Réparation élevée

Chez Bouygues Telecom, qui a fait appel dès jeudi soir, la décision a fait l’effet d’une bombe. Jamais cette chambre du tribunal de commerce n’avait demandé une réparation aussi élevée. Sûre de son bon droit, la filiale de Bouygues n’avait même pas pris le soin de mettre un peu d’argent de côté pour couvrir le risque de condamnation. La peine est d’autant plus lourde pour l’opérateur que « l’exécution provisoire » du jugement « est de droit » : il doit ainsi faire le virement à Free Mobile sans attendre le résultat de l’appel. « Bouygues Telecom conteste ce jugement avec la plus grande vigueur et considère que ses offres groupées sont légales (…) au bénéfice de ses clients », s’est défendu l’opérateur. Près de 90 % des Français ont aujourd’hui un smartphone et la filiale de Bouygues est convaincue que cela n’aurait pas été possible sans ces offres.

Pour compenser la remise sur le smartphone, Bouygues Telecom se rattrapait sur le prix du forfait de 24 mois

Pour compenser la remise sur le smartphone, Bouygues Telecom se rattrapait sur le prix du forfait de 24 mois, plus élevé qu’un abonnement sans téléphone. L’opérateur justifiait la différence par davantage de services et de contenus (kiosque presse, télévision…). Les juges n’ont pas vu les choses de la même façon. Selon eux, « la décomposition du prix réellement payé sur 24 mois n’est pas portée à la connaissance des consommateurs qui ne sont pas mis en capacité, comme ils devraient l’être, de pouvoir apprécier ce qui leur est facturé au titre de l’abonnement ». Pour les juges, tout montre qu’il s’agit d’une facilité de paiement au sens du code de la consommation, avec les règles que cela impose. Le tribunal « relève ainsi qu’en méconnaissant la législation applicable aux opérations de crédit, Bouygues Telecom a commis une faute ».

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