Comment le port du Havre est devenu une plaque tournante de la cocaïne
Une modeste maison criblée d’impacts de balles. Nous sommes aux Neiges, un quartier décrépit qui a abrité des générations de dockers du Havre, le plus grand port de commerce de France.
“J’ai été réveillé par ce que j’ai pris pour des pétards. En fait c’était une fusillade”, raconte un habitant à qui nous avons demandé ce qui s’était passé.
Il refuse qu’on cite son nom. “Si vous le faites, la prochaine balle sera pour moi.”
La loi du silence règne aux Neiges. Ce quartier se trouve à quelques mètres seulement du port de conteneurs, une zone sous haute surveillance. On voit les grues décharger la cargaison multicolore des navires.
Cette omerta est compréhensible.
Le plus grand procès pour trafic de drogue que Le Havre ait connu [s’est tenu] cette semaine à Douai : les six accusés [contre qui le parquet a requis jeudi 9 février 13 à 25 ans de réclusion criminelle] vivaient ou opéraient tous aux Neiges ou dans les environs.
Un tsunami de drogues dures
Ces hommes – dont l’un est jugé par contumace – sont accusés d’avoir aidé des cartels de la drogue sud-américains à faire entrer 1,3 tonne de cocaïne au Havre.
Ce n’est que la dernière affaire à alimenter la crainte que ce port soit en train devenir la version française d’Anvers et Rotterdam et de succomber au “tsunami” de drogues dures qui déferle sur le continent européen.
Le nombre de conteneurs déchargés au Havre est passé de 1,5 million en 2004 à plus de 3 millions l’année dernière. Les cargaisons de bananes, crevettes, sucre ou conserves ayant augmenté, les drogues cachées aussi : 10,5 tonnes ont été saisies l’année dernière, trois fois la quantité détectée en 2019.
“On n’a ni le personnel ni les infrastructures pour gérer un tel trafic”, déclare Alain Lemaire, un employé des douanes et délégué syndical CGT. Le nombre d’agents de surveillance est passé de 180 en 2004 à 90 aujourd’hui.
“Il y a beaucoup de gens qui vivent dans la peur aujourd’hui.”
“On vérifie 1 % des conteneurs qui sont débarqués au Havre et on peut considérer qu’on empêche un dixième de la cocaïne d’arriver. Ce procès est anecdotique et n’empêchera pas la drogue d’arriver en masse.”
“The Wire” au Havre
Le Havre est désormais témoin de scènes qui rappellent la série télévisée The Wire : une fois, un gang s’est frayé un chemin hors du port dans un camion bourré de cocaïne sous le feu de la police. Une autre fois, une organisation criminelle a attaqué un dépôt étroitement surveillé pour récupérer de la drogue dissimulée dans une cargaison.
Les agents des douanes sont régulièrement espionnés par des drones qui transmettent en direct des images de l